In memoriam

Posted on octobre 8th, 2024

JEAN PIERRE VISIER (1933-2024)
Une carrière hospitalo-universitaire au cœur de l’essor de la Psychiatrie de l’Enfant en France


Un début de carrière à la recherche de modèles dynamiques et originaux dans une discipline balbutiante

En 1965 quand Jean Pierre Visier termine son internat en psychiatrie au CHU de Montpellier la compréhension des troubles psychiques de l’enfant est encore largement adultomorphique et se fait majoritairement sous l’angle du déficit. Les modalités de prise en charge hospitalière asilaires sont encore à l’œuvre.

La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ne sera reconnue comme discipline universitaire que tardivement (de 1948 à 1968 seuls trois praticiens français seront nommés titulaires d’une chaire de neuropsychiatrie de l’enfant, avant que la neurologie ne se sépare de la psychiatrie et que les chaires individuelles disparaissent).

Résolument intéressé par la psychiatrie de l’enfant, il part à la recherche de pratiques nouvelles ce qui le conduit à quitter Montpellier pour mener une expérience originale comme médecin psychiatre dans un établissement medico-éducatif pour enfants en difficulté et comme médecin directeur d’une consultation médico psychologique à Soissons. Il y découvre, entre autres, l’importance de l’approche pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle de la santé mentale.

Durant cette période il suit, à Paris, des séminaires de formation à l’approche psychodynamique des troubles psychiques de l’enfant en même temps qu’il est nommé attaché de recherche à l’INH (ancêtre de l’INSERM)


Le retour à Montpellier en 1973 : le démarrage d’une carrière au service de la santé mentale des enfants et des adolescents, intégrant la prise en considération de la compétence et du sentiment de sécurité des professionnels engagés auprès de ces populations

Nommé professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en 1973 à la Faculté de Médecine de Montpellier, il devient chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHU comme successeur du professeur Robert Lafon.
Dès lors il n’aura de cesse de développer et de faire évoluer les structures et les modalités de soin, les collaborations avec d’autres disciplines, les méthodes d’enseignement et de recherche.
On peut citer quelques points :

  • Mise en place de différentes modalités d’hospitalisation et de soins ambulatoires
  • Création d’un service de pédopsychiatrie dans des locaux modernes et adaptés
  • Développement de la psychiatrie de liaison avec les équipes de pédiatrie et d’obstétrique
  • Animation de séances de supervision du travail clinique individuel et institutionnel au sein des équipes de pédopsychiatrie et à l’extérieur auprès de professionnels de l’enfance (Appui Parental, Ecole des Parents) et d’institutions, qu’il poursuivra bien au-delà de sa retraite.
  • Animation de nombreux séminaires de formation des internes et autres professionnels avec l’utilisation de la vidéo comme outil pédagogique interactif
  • Direction de l’U70 de l’INSERM sur l’enfance inadaptée dont les travaux ont souligné les impacts de la qualité de l’annonce du handicap mental aux parents…
  • Coordination d’un réseau de recherche de l’INSERM sur les interactions entre le nourrisson et les adultes, dont les travaux ont souligné la place centrale de la régulation des émotions négatives chez les partenaires.

Ces travaux de recherche le conduiront à être au cœur d’une collaboration avec plusieurs équipes nationales et internationales en particulier québécoises, belges et suisses.
Ses principales publications porteront sur les enjeux de la mise en place et du fonctionnement de la parentalité dans divers contextes de vulnérabilité, sur l’éclairage des troubles du comportement de l’enfant et de l’adolescent par ce qui se joue dans les interactions avec son entourage et sur le rôle central de la sécurité interne des professionnels de l’enfance sur leur compétence.

Une personnalité enthousiaste, un esprit vaillant, capable de rassurer et de motiver son entourage

Les travaux de Jean Pierre Visier seront guidés par une tentative d’intégration de plusieurs modèles conceptuels (approche psychodynamique, approche développementale, théorie de l’attachement…) et les apports d’autres sciences (éthologie humaine, neurosciences …) à l’aune de la complexité du fonctionnement du cerveau et du psychisme humain encore largement objets d’études aujourd’hui.

L’ensemble de ce travail s’est appuyé sur une grande énergie, une curiosité incessante, une intuition clinique hors du commun, du courage pour innover sans crainte de faire preuve d’originalité, une grande bonté et un soutien sans faille envers ses collaborateurs, les patients et leurs familles.

Le souvenir de ses enseignements et de sa personne restera vif et inspirant chez tous ceux qui ont travaillé à ses côtés.
 
Michèle Maury, le 16 Septembre 2024