Projet pour le CMP de demain (novembre 2018)

Posted on novembre 19th, 2018

Télécharger l’article au format PDF

L’évolution nécessaire des CMP pour la psychiatrie de demain de l’enfant et de l’adolescent

Résumé

Ce texte émane du conseil d’administration et du conseil scientifique de la SFPEADA. Il propose une nouvelle organisation de la pédopsychiatrie publique, afin de répondre à l’évolution des demandes des usagers et à celle de l’expression des souffrances psychiques. Le CMP, longtemps porte d’entrée du dispositif ne peut plus répondre à ses missions s’il demeure le seul interlocuteur de la population. C’est pourquoi il convient d’organiser un système de soin, sous forme de parcours ou de niveau, en adossant au CMP en amont et en aval d’autres dispositifs ou réseaux, ceci afin de conserver au CMP ses missions de soins spécialisés. Ce texte, proposition de la SFPEADA, détaille l’organisation en 4 niveaux : un niveau de repérage (formation, information des professionnels accueillant des enfants et adolescents), un niveau de prévention (la maison de l’enfance et de la famille), un niveau de soins spécialisés (les CMP) et les centres ressources et expert ( CRTLA, CRA,etc.)

 

Introduction

Les CMP ont été installés au centre du dispositif de la sectorisation dès 1974. La politique de secteur pour la pédopsychiatrie fut en son temps un progrès incontestable dans les soins prodigués à la part la plus vulnérable de la population et un succès indéniable auprès des professionnels qui y restent profondément attachés. Cependant il est incontestable que la situation des personnes, adultes comme enfants, souffrant de pathologies mentales a beaucoup évoluée tout comme les questions liées à la santé mentale en général: les besoins ne sont plus exactement les mêmes, tout comme les demandes et aussi les expressions pathologiques les plus fréquemment rencontrées. Par ailleurs, si certains inter-secteurs fonctionnent de manière remarquable ayant su s’adapter et répondre aux demandes nouvelles, il en est d’autres dont le fonctionnement est tout sauf satisfaisant, souvent figé dans des modèles de moins en moins adaptés.

Force est de constater qu’après avoir honnêtement remplie cette mission pendant plus de 30 ans, il est raisonnable désormais de revoir cette porte d’entrée vers les soins psychiques. Concernant l’accueil et le soin pour les populations vulnérables en termes de santé mentale, la DGS formule un certain nombre de critiques [1] :

  1. une absence de clarté et de lisibilité des structures de soin existantes ainsi que de leur rôle respectif (exemple : quelles différences entre CMP et CMPP non seulement pour le grand public mais aussi pour beaucoup de professionnels de santé hors du champ étroit de la pédopsychiatrie) ;
  2. du côté des usagers des délais d’attente jugés souvent excessifs pour accéder à une première consultation ;
  3. une grande hétérogénéité dans le type et le niveau d’équipement d’un territoire à l’autre ;
  4. une inadéquation croissante entre les connaissances acquises par les usagers grâce aux techniques d’information et de communication (TIC) modernes et des pratiques professionnelles jugées à tort ou à raison comme obsolètes ;
  5. conséquence du point précédent, un décalage croissant entre les attentes des usagers et les propositions des professionnels… Et nous pourrions ajouter parmi les reproches qui nous sont fait une difficulté à faire des diagnostics précoces de handicap qu’il s’agisse des troubles du spectre autistique ou des troubles neurodéveloppementaux des apprentissages.

Des propositions nous sont faites afin d’améliorer les dispositifs de la pédopsychiatrie. Ainsi, la Direction Générale de la Santé (DGS) cherche à clarifier le parcours de soin en inscrivant celui-ci dans les trois niveaux habituels d’accueil et de repérage (niveau 1), d’identification, de diagnostic, d’orientation et de soins de premier recours (niveau 2) enfin de soin spécialisé (niveau 3). Il nous est également demandé de passer d’une politique de « promotion de la santé mentale » à des actions de « prévention en santé mentale » auprès des populations les plus vulnérables.

Sans pour autant prendre ces critiques pour argent comptant, elles doivent cependant conduire à une réflexion approfondie sur l’organisation de l’accueil et des parcours de soins dans les services de pédopsychiatrie. A cette intention, la SFPEADA a réuni une commission d’étude sur ce thème afin d’avancer des propositions en ce sens tout en respectant les valeurs fondamentales de notre discipline.

Pour rappel, la SFPEADA est une société savante qui regroupe l’ensemble des professionnels travaillant dans le champ de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent mais également dans son amont, à savoir la santé mentale des enfants de la naissance (et même pour certains dans la période prénatale) à la majorité, incluant donc la périnatalité, la petite enfance, l’enfance et l’adolescence. Les membres de cette société sont non seulement des pédopsychiatres mais aussi toutes les disciplines associées (le DA de l’acronyme) qui travaillent de concert avec ceux-ci : psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, infirmiers, éducateurs, travailleurs sociaux, etc. Si chacune de ces professions a bien évidemment des structures associatives ou syndicales qui les représentent et défendent leurs intérêts, la SFPEADA est la seule société qui regroupe l’ensemble de ces partenaires autour des questions théoriques et pratiques soulevées par la « santé mentale » de l’enfant. Rares sont les pédopsychiatres travaillant isolément. L’immense majorité, même en pratique libérale, s’entoure d’une équipe pluridisciplinaire qui participe aux soins à l’enfant de façon concertée.

Les valeurs fondamentales de la pédopsychiatrie

Le champ d’action de la pédopsychiatrie concerne l’ensemble des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent quelle qu’en soit l’origine. Lorsqu’ils surviennent précocement, une caractéristique fondamentale de ces troubles mentaux est d’entraver le développement de l’enfant dans toutes ses composantes. De ce fait, ils sont souvent qualifiés aujourd’hui de « neuro-développementaux », résultat d’une intrication complexe entre de multiples facteurs, génétiques, constitutionnels, néonataux, développementaux, environnementaux, traumatiques, accidentels, relationnels, sociaux, culturels, liste non exhaustive. Mais le développement peut être aussi en lui-même source de conflits et de difficultés transitoires chez l’être humain qui « grandit ». Cela s’observe tout particulièrement à l’adolescence, mais aussi aux autres âges de l’enfance : bébé, enfant en début de scolarité, etc. De ce point de vue la pédopsychiatrie s’attache toujours à différencier autant que faire se peut les troubles transitoires du développement, ceux qui en général régressent et disparaissent dans le temps, et les troubles qui non seulement se fixent et perdurent mais qui en outre entravent le bon développement, aggravant la déviance développementale, les symptômes, la pathologie et la souffrance psychique de l’enfant et de ses proches. Si cette différenciation est assez facile à énoncer et à comprendre, en pratique dans l’instant de l’entretien elle est particulièrement ardue. C’est pourquoi, sauf exception, le « diagnostic » en pédopsychiatrie nécessite très souvent une évaluation prenant en compte la temporalité et l’évolutivité des « troubles » sur une période de quelques mois.

Ceci rend compte de la frontière extrêmement floue entre, d’un côté, ce qui appartient au domaine de la « santé mentale » et de ses achoppements transitoires (symptômes transitoires développementaux dont on peut dire qu’ils relèvent de la « santé mentale » au sens large) et, de l’autre, ce qui relève des troubles mentaux en cours de constitution (c’est le cas le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent, contrairement à l’adulte où les troubles sont en général constitués) ou plus rarement solidement fixés dans des états pathologiques. Il en faut peu pour passer d’une situation à l’autre et les facteurs impliqués sont souvent environnementaux, identifiés comme les facteurs de risque ou de vulnérabilité dans les enquêtes en santé publique. Comme toute discipline médicale la pédopsychiatrie cherche à intervenir le plus en amont possible des troubles avec pour corollaire une distinction souvent difficile et arbitraire entre travail de prévention afin de préserver la santé mentale et actions de soin en direction des troubles psychiques en cours de constitution ou constitués.

Ces enjeux nécessitent une évaluation toujours approfondie tant dans le champ neurocognitif que dans la dynamique du développement, dans les interactions avec l’environnement aussi bien proximal (l’écologie familiale) que plus distal (l’école, le quartier, le groupe social, culturel ou ethnique, etc.). Ces évaluations dont la complexité, du fait des avancées scientifiques, croît de façon exponentielle nécessitent des professionnels formés et plus encore pouvant se former (ce qui suppose une enveloppe budgétaire dédiée et adaptée !). En outre, plus que dans aucunes autres disciplines médicales, ces évaluations ne sont jamais neutres, leur qualité pouvant infléchir notablement l’évolution des troubles ! En effet elles ont par elles-mêmes un pouvoir de mobilisation soit favorable participant alors au soin soit hélas négatif risquant de favoriser la stigmatisation, d’entraver le développement, de provoquer une fixation symptomatique… De ce point de vue, le travail avec les parents est central avec prise en compte de leurs attentes, des connaissances qu’ils ont de leur enfant et en développant avec eux une alliance de soin qui implique une information et une co-construction permanente. Ceci est aussi valable pour les adultes travaillant au contact des enfants (enseignants, éducateurs divers, travailleurs sociaux, etc.). Faute de quoi un diagnostic posé à « l’emporte pièce » risque d’avoir des effets non seulement stigmatisant mais aussi figeant les troubles, tout comme inversement la non réponse à la demande diagnostique risque aussi de majorer l’angoisse familiale, d’instaurer un climat de suspicion envers le professionnel (« il nous cache quelque chose ! »), d’entraver le bon déroulement du soin et d’aggraver ces mêmes troubles…

A la lumière de ce qui vient d’être décrit, on aura compris que trois éléments constituent les piliers fondamentaux du soin en pédopsychiatrie:

  1. la possibilité de garantir une continuité prenant en compte la dynamique évolutive dans la prise en charge d’un enfant/adolescent ;
  2. la nécessité d’une évaluation élargie au-delà du seul symptôme d’appel initial ;
  3. le croisement des regards à la fois par une évaluation pluridisciplinaire et par un travail en réseau.

Force est de reconnaitre que le découpage en niveaux d’accueil et de repérage, en tranche d’âge comme en catégories diagnostiques s’il facilite les études épidémiologiques et les modèles organisationnels administratifs vont cependant à rebours des valeurs et des enjeux de la pédopsychiatrie ! La segmentation des niveaux d’accueil pose aussitôt la question du passage d’un niveau à l’autre, d’une structure à l’autre, avec le risque d’une dilution de la dimension relationnelle si fondamentale dans le soin (voir ci-dessus). La continuité développementale fait partie intégrante de notre discipline : à peine a-t-on organisé un soin en fonction des tranches d’âge que se pose de façon lancinante la question du passage d’une structure de soin à une autre à mesure que l’enfant grandit. Quant au découpage en catégories diagnostiques, il suffit de se pencher sur ce que la littérature internationale appelle « les co-morbidités » pour comprendre combien ce découpage est, en clinique de l’enfant et de l’adolescent, artificiel. A titre d’exemple dans l’ADHD toutes les études relèvent la fréquence des troubles « co-morbides », fréquence pouvant aller jusqu’à 80% des cas !

Le contexte socio-économique et les contraintes

Ces valeurs étant énoncées, l’ensemble de la communauté pédopsychiatrique a conscience des imperfections dans le système de soin actuel et partage avec les instances administratives un souci d’amélioration. Aussi, un bref rappel de ces points problématiques apparait nécessaire.

Du côté des familles et professionnels de l’enfance

Incontestablement le niveau de connaissance et de sensibilité des parents au développement de leur(s) enfant(s) a progressé de façon considérable. Attentifs à son bon développement les parents sont dans leur ensemble rapidement demandeurs de conseils, d’avis, voire de diagnostics et cherchent les professionnels en « santé mentale » pouvant y répondre. Il en va de même des professionnels de l’enfance (maitre des écoles, enseignants, infirmiers scolaires, assistant social, éducateurs, etc.). Parallèlement le développement des normes, des procédures, des protocoles tend à « durcir » chaque cadre dans lequel évolue un enfant et à exacerber une sorte de sensibilité où la moindre anomalie développementale peut vite être perçue comme une anormalité voire une pathologie. Ceci rend compte en grande partie de l’augmentation régulière des demandes et du risque d’engorgement des consultations.

Par ailleurs le recours à la pédopsychiatrie a fort heureusement perdu sa dimension dramatique et son caractère stigmatisant. Pour beaucoup de parents la démarche de consultation auprès d’un pédopsychiatre s’inscrit désormais dans un souci d’attention et de bienveillance envers l’enfant et son bon développement. C’est ainsi qu’on voit des couples parentaux en instance de séparation demander une consultation pour leur enfant afin de savoir « comment faire » ; ou encore après un évènement traumatique tel qu’un décès un parent demande un avis afin d’aider l’enfant… Ces situations se sont multipliées témoignant du succès médiatique de notre discipline !

On le comprend, la multiplication de ces demandes, le plus souvent tout à fait justifiées, nécessite une réactivité adéquate et une capacité de répondre dans un délai acceptable.

Dans les enquêtes concernant les attentes et les demandes des parents, on notera les éléments suivants (résultats de l’enquête de l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) du nord, 2017)[2]. Les sujets de préoccupation des parents pour la classe d’âge des 6-12 ans sont dans l’ordre les questions de scolarité (58%), le suivi des devoirs à la maison (49%) et enfin les écrans( 46%). Les médecins (toutes spécialités confondues) et les enseignants sont les plus sollicités, 77% pour les premiers et 68% pour les seconds. Les modes d’action qui intéressent le plus les parents sont dans l’ordre : un entretien individuel avec un professionnel (41%), des ateliers parents/ enfants (40%), des groupes de parole et d’échanges entre parents (34%) à égalité avec la possibilité d’accéder à un site internet labélisé d’information et de documentation sur l’éducation des enfants (34%). En effet, 53% des parents qui utilisent internet ne trouvent pas de site de qualité sur la question de l’éducation des enfants et 60% des parents interrogés sont en faveur de la mise en place d’un lieu de ressource sur les questions d’éducation pour les 6-12 ans. Les facteurs facilitant la participation aux activités sur la parentalité sont dans l’ordre : la proximité (50%), le choix du thème (16%), le temps de garde (15%) et l’anonymat (7%). Enfin, 31% des parents sont au courant des actions sur la parentalité menée à proximité de chez eux.

Certes il s’agit là de questions d’éducation et de santé mentale au sens le plus large du terme mais ce sont souvent les « portes d’entrée » dans des déviances développementales plus notables quand aucune réponse n’y est apportée (voir ci-dessous : intervenants de niveau 1)

A l’opposé, il existe une frange de plus en plus importante de la population qui connait des situations de grande précarité et même de pauvreté, qui fait face à un cumul de difficultés (affective, économique, professionnelle, sociale, culturelle), faisant que les adultes ne sont pas disponibles pour les besoins développementaux de l’enfant, n’y répondent pas de façon adéquate, n’expriment aucune demande même quand l’enfant présente des troubles manifestes, et, quand ils sont demandeurs, ne parviennent jamais à accéder aux dispositifs de soin s’ils ne sont pas guidés et soutenus dans cette démarche. Ces populations dites « vulnérables » ont des caractéristiques particulières qui impactent aussi leur rapport à la prévention et aux soins, les rendant souvent peu réceptives aux messages de prévention et d’information sur les premières démarches. Pour tous ces enfants et ces familles, ils sont nombreux, le travail en réseau, les liens avec les intervenants de proximité, la disponibilité d’accueil, d’écoute et d’accompagnement initial par les travailleurs sociaux constituent une part importante du travail clinique, travail qu’il n’est pas toujours facile de concilier avec les demandes précédentes.

Rappelons les données internationales concernant l’épidémiologie des troubles en « santé mentale » :

  • Les troubles apparus au cours de l’enfance ont une répercussion sur la santé mentale chez l’adolescent et à l’âge adulte

  • La moitié des troubles qui perdurent surviennent avant l’âge de 14 ans (Kessler, 2005)[3]

  • La prévalence des troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent oscille entre 5% et 25% avec une moyenne à 12,5% (Inserm, 2009)[4]

  • La prévalence des troubles mentaux chez les enfants de 6-11 ans est estimée à 12,8% en moyenne (Kovess, 2016)[5] : troubles émotionnels, 3,8% ; troubles des conduites, 8,4% ; troubles de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), 2 %

Plus précisément pour ce qui concerne les données françaises :

  • 30.2 % des enfants de 6-11 ans expriment une souffrance psychologique (UNICEF 2014)[6]

  • La prévalence des troubles mentaux chez les 8-11 ans estimée à partir d’une étude à Chartres (Fombonne 1994)[7] : troubles mentaux (12.4%), troubles mentaux avec retentissement (5.9%), troubles émotionnels ou affectifs (5.9%), trouble des conduites (6.5%).

  • La prévalence des troubles mentaux chez les 6-11ans estimée à partir d’une étude en région PACA (Shojaei & Kovess 2005)[8] : troubles mentaux (d’après les enfants) : 25.4% , troubles mentaux avec retentissement (d’après les parents) : 7.6%, troubles mentaux nécessitant des soins (d’après les parents et enseignants) : 5.3%.

  • La prévalence des troubles mentaux chez les 6-10 ans estimée à partir de données internationales + structure par âge de la population française (Inserm 2009a)[4] : troubles anxieux : 5%, TDAH : 2%, dépression : 0.4%, autisme et troubles envahissants du développement (TED) : 0.3% , troubles obsessionnels compulsifs (TOC ): 0.1%

  • Prévalence des brimades chez les 6-11 ans estimée à partir d’une étude en région PACA (Shojaei 2009)[9] : 21% des 6-11 ans dont 25% des 6-8 ans et 15% des 9-11 ans.

Ces données, connues des pouvoirs publics sont préoccupantes et doivent être articulées avec les démarches effectuées par les familles concernées dans le recours au soin. Parmi les enfants de 6-11 ans identifiés comme ayant un problème de santé mentale nécessitant des soins (5.3%) (Shojaei et Kovess, 2005)[8]: 87.4% sont en contact avec un médecin généraliste , 36% avec un orthophoniste, mais 19.7% sont vus par un orthophoniste, sans être vus par un intervenant en santé mentale (pédopsychiatre, psychologue, psychomotricien). 29.6% sont en contact avec un psychologue, 18.7% avec un pédiatre, 17.9% avec un pédopsychiatre et 6% avec un psychomotricien.

Pour ce qui concerne la réponse en termes de prescription médicamenteuse, elle reste limitée mais elle pose d’importantes questions dans la mesure où ces prescriptions sont plus souvent le fait de médecins généralistes que de spécialistes, psychiatre ou neurologue (PSM) (Kovess, 2015)[10]. Sur les 2.0% des enfants qui se voient prescrire des psychotropes, les antipsychotiques ne représentent que 0,2% et pourtant ils sont prescrits à 75,4% par les généralistes contre seulement 9.5% pour les pédiatres et 9.3% pour les PSM.

Du côté des pédopsychiatres et des services de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent

Il est important de souligner en premier lieu l’impact négatif de la démographie médicale concernant les acteurs de soin en pédopsychiatrie. Le nombre de pédopsychiatres en exercice a chuté dramatiquement : entre 2006 et 2016 la discipline a perdu 50% de ses effectifs. De plus la moyenne d’âge actuelle des pédopsychiatres en exercice est légèrement supérieure à 60 ans ce qui laisse augurer d’une poursuite de cette baisse. Il y a aujourd’hui environ 640 pédopsychiatres titulaires du DESC de pédopsychiatrie.

Ce nombre est aujourd’hui notoirement insuffisant de même que le nombre de médecin en formation (DESC de pédopsychiatrie) malgré une récente augmentation du nombre d’internes en formation mais qui restera largement insuffisante pour combler les carences actuelles et à venir.

Certes, cette insuffisance est en partie masquée par le fait que de nombreux postes hospitaliers en pédopsychiatrie ne sont pas occupés par des pédopsychiatres en titre mais par des psychiatres généralistes ou même par des médecins généralistes qui ont acquis au mieux une formation très limitée. Ceci va à l’encontre de toutes les recommandations officielles en particulier européennes. Il ne s’agit pas ici de dénigrer le travail de ces médecins souvent dévoués et impliqués dans leurs actions mais de reconnaitre une inadéquation de plus en plus criante entre des intentions affichées et une réalité particulièrement sombre qui, à certains égards, participe à une sorte de dévalorisation de cette discipline, institutionnalisée et cautionnée par les pouvoirs publics. Ces carences observées dans les services de pédopsychiatrie est encore plus criante dans le secteur médico-social où les postes de pédopsychiatres sont soit vacants soit occupés par des médecins non pédopsychiatres, voire même par des non-médecins !

Ce constat de carence est aussi valable pour d’autres professionnels intervenants en pédopsychiatrie, même si les motifs ne sont identiques. A titre d’exemple, le recrutement d’orthophonistes est de plus en plus difficile dans les services de pédopsychiatrie dans la mesure où les orthophonistes préfèrent travailler en secteur privé, d’autant plus que leur statut dans la fonction publique leur apparait peu favorable (faible rémunération de base et d’une absence d’évolution dans leur grille salariale, lorsqu’une orthophoniste est en catégorie exceptionnelle elle empêche toutes les autres de le devenir, y compris lorsqu’elle mute).

Enfin il existe une grande disparité et une forte hétérogénéité territoriale aussi bien en termes quantitatifs qu’en termes qualitatifs. Tel service est relativement bien équipé, tel autre est dans un état consternant de vacance de postes ; tel service est assez bien équipé en structures de soin pour l’enfant mais démuni en structure de soin pour adolescent ou inversement… Si cette hétérogénéité peut être comprise en termes d’excellence de soin, elle complique grandement les parcours de soin des familles et des enfants !

Concernant la formation et la compétence professionnelle, la SFPEADA, société savante, a toujours mis en avant la nécessité d’une formation initiale et continue de qualité, sans cesse renouvelée compte tenu des évolutions rapides dans le champ des connaissances scientifiques. L’enjeu consiste à articuler au mieux les connaissances issues du passé, plus précisément tout ce qui concerne le corpus des connaissances en psychologie et psychopathologie avec les connaissances neurocognitives et neuro-développementales contemporaines. Les unes ne doivent jamais conduire à récuser les autres et l’intelligence consiste à les articuler au mieux ! L’ensemble des professionnels doivent donc s’engager dans des formations actualisant leurs connaissances tant sur les aspects théoriques que sur les pratiques nouvelles de soins : pédopsychiatres, mais aussi psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, travailleurs sociaux, éducateurs, etc. Il serait souhaitable de proposer aussi des « formations transversales » permettant à ces divers professionnels de renforcer un socle de connaissances commun.

Les propositions de la SFPEADA : les évolutions et les choix possibles dans le respect de l’existant

Le schéma actuel de parcours de soin est organisé en 3 niveaux. Nous pensons souhaitable d’en proposer 4 en laissant au niveau 1 les actions de prévention et de repérage ainsi que la mise en œuvre de formation de professionnels et en installant au niveau 2 des maisons de l’enfance et de la famille pouvant s’articuler avec les maisons des adolescents pour la tranche d’âge intermédiaire des 9-13 ans. Dans ce schéma revisité du parcours de soin le CMP devrait être le niveau 3.

En effet, le reproche majeur qui est fait à ces structures d’entrée(CMP) est leur inaccessibilité, essentiellement du fait des délais d’attente, certains pouvant aller jusqu’à deux ans (qu’il s’agisse du premier RV ou de la mise en place de suivis), ce qui n’est pas acceptable pour des situations qui peuvent avoir un impact fort sur le développement psychique ultérieur des enfants et adolescents. Il s’agit donc de réguler l’accès à ce dispositif qui doit indiscutablement demeurer le centre névralgique de la politique de santé sectorisée. La pédopsychiatrie doit constituer le portail permettant d’engager la prévention et les soins aux bébés, aux enfants et aux adolescents, car, compte-tenu de son expertise, elle est en capacité d’avoir une vision globale du développement et de faire des diagnostics différentiels. En effet l’orientation vers une politique d’organisation des soins en termes de lieux spécifiques pour chaque pathologie montre déjà les écueils d’une telle approche en raison des troubles associés

Voici le schéma organisationnel que propose la SFPEADA.

Niveau 1 : la prévention

Depuis le début de sa création mais surtout avec la mise en place d’équipes mobiles, la pédopsychiatrie échange avec les autres institutions mais aussi co-construit des projets de territoires.

Les professionnels concernés :

Ce sont les acteurs de première rencontre, ceux que la population impliquée côtoie régulièrement. Il s’agit donc : des médecins généralistes, des enseignants et du personnel de la santé scolaire (médecin, psychologue, infirmière, assistante sociale de l’éducation nationale), des services sociaux (assistants sociaux, éducateurs), des orthophonistes, des personnels de crèche, halte-garderie, assistantes maternelles et des divers lieux d’accueil de la petite enfance, etc.

Leurs missions :

Acteurs de proximité immédiate, leur fonction se situe dans l’accueil, avec une réponse sans délai. Ils interviennent auprès de l’enfant et de sa famille et agissent en concertation /réseau avec les autres intervenants de terrain. A l’occasion ils peuvent aussi revoir une famille, un enfant qui aurait été temporairement orienté.

Leurs compétences :

Ils participent au repérage et à l’orientation, si nécessaire en effectuant un accompagnement. Ils fournissent des informations sur les ressources locales et sur le parcours de soin en posant les premiers jalons d’une évaluation grâce au travail en réseau : travail de supervision/accompagnement par un professionnel du niveau 2, soit en contact direct, soit par téléphone ou contact internet, soit grâce à un référentiel en forme de « grille d’évaluation ».

Il serait souhaitable dans cette organisation que le niveau 3 des CMP veille à encourager les formations et informations de ce niveau mais aussi puisse passer des conventions sur des dispositifs de prévention.

A cet égard, nous sommes très inquiets du fonctionnement actuel de la mission de promotion de la santé et sociale de l’Education Nationale. Le nombre de médecins diminue de façon encore plus drastique que celui des pédopsychiatres. De nombreuses académies ont plus de la moitié de leurs postes non pourvus. Ceux qui restent sont surchargés par la signature des PAP, PAI et autres adaptations pour les enfants handicapés ou à besoins spécifiques, puisque la loi de 2005 oblige tous les enfants à être scolarisés quelles que soient leurs difficultés d’apprentissages ou de santé physique ou psychique.

Le corps des médecins de l’Education Nationale a été rattaché selon les époques à différents ministères : santé avant 1991, Education Nationale depuis cette date.

Il nous semblerait intéressant afin de revaloriser cette fonction, ce qui permettrait sans nul doute de susciter des vocations, de rattacher ce corps de médecins à la santé et plus particulièrement à la pédopsychiatrie par le biais de convention ou d’autres modalités de partenariat. Beaucoup de ces médecins ont en effet suivi différents DU, de médecine et santé de l’adolescent, de psychopathologie de l’adolescence, DU traitant des adolescents difficiles ou les troubles des apprentissages. Or, ils ne disposent d’aucun moyen du fait de leur faible nombre pour, au sein de l’établissement scolaire, jouer un réel rôle de conseiller et de mise en œuvre des premières mesures auprès des enseignants, des élèves et de leur famille. Ils seraient sans doute intéressés par un partenariat stimulant pour l’exercice de leurs fonctions.

Niveau 2 : les maisons de la famille et de l’enfance (ou maison de l’enfance)

La SFPEADA propose de créer pour ce niveau des structures d’accueil dédiées aux parents et aux professionnels qui pourrait s’intituler « maison de la famille et de l’enfance » ou « maison de l’enfance » dédiée à l’accueil des enfants de moins de 12 ans, de leurs parents et de la famille (fratrie, grands-parents), Les Maisons de la famille et de l’enfance recevant des enfants de 0 à 12 ans constitueraient ainsi un dispositif-clé dans la cité où parents et professionnels géographiquement hors du champ de la pédopsychiatrie pourraient venir évoquer une situation, une difficulté avant même toute consultation formelle. Ce niveau 2 permettrait d’apporter des réponses courtes de proximité à la fois en matière de santé mentale et de soin de premier niveau. Il s’articulerait avec les maisons d’adolescents pour les grands enfants ou pré-adolescents afin de ne pas tomber dans le travers de la question des passerelles entre tranches d’âge dont le découpage artificiel ne reflète pas la diversité de développement des enfants.

La création d’une maison de l’enfance, de niveau 2, ne peut donc répondre à ses missions que dans une étroite articulation avec le niveau 3. Nous pensons vivement souhaitable que ces maisons de l’enfance soient sous la responsabilité de la pédopsychiatrie bien qu’elles puissent ne pas être situées géographiquement dans des locaux appartenant à la pédopsychiatrie. En effet, la création de lieux d’accueil totalement indépendants des lieux de soin pose d’épineux problèmes tel que :

  • une menace sur la continuité de l’accompagnement et de la prise en charge par des accueillants ou des soignants souvent très investis par les familles lors des premiers contacts

  • un risque pesant sur la continuité de l’accompagnement par un même intervenant tant pour l’enfant que pour les parents,

  • les inéluctables obstacles de toute nature lors du passage d’une institution à une autre (changement de personne, itinéraire différent, heure d’accueil différente, etc, etc.), passage à l’occasion duquel les familles les plus vulnérables décrochent souvent.

Ceci implique que les professionnels de CMP puissent organiser leur temps de travail en dégageant du temps pour un participer à l’accueil sur les maisons de l’enfance et de la famille. Une telle organisation limiterait la dichotomie entre les deux niveaux et faciliterait les éventuelles orientations sans délai.

Il faut enfin souligner que l’approche éducative fait partie des missions de la pédopsychiatrie. Pouvoir accompagner des familles démunies quant à certains comportements de leurs enfants constitue ce qui s’appelait autrefois de la guidance familiale. Dans bien des situations cette approche, à condition qu’elle soit relayée par d’autres professionnels (école, médecin libéral, école des parents et des éducateurs, etc.) suffit à dénouer les conflits sans embouteiller inutilement les services de soin.

C’est dire combien la proposition d’une maison de l’enfant (ou maison de la famille et de l’enfant), de 0 à 12 ans, doit s’effectuer en étroite articulation avec l’ensemble des acteurs de terrain de niveau 1 mais aussi avec les autres partenaires du soin tel que le CMP, mais aussi avec les CAMSP plus orientés vers les troubles des jeunes enfants associés à des pathologies ou handicap d’origine neurologique ou génétique. Il serait également souhaitable que ces nouvelles structures travaillent en parfaite articulation avec les associations telles que l’Ecole de Parents et des éducateurs (EPE) mais aussi avec les associations de parents d’enfants « Dys » ou avec autisme, mais également avec le personnel de l’éducation nationale, les médecins libéraux qu’ils soient généralistes ou spécialistes, l’Aide Sociale à l’Enfance et la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

La question peut se poser d’isoler au sein de ces maisons un espace dédié aux tout-petits de 0 à 6 ans. Mais afin de ne pas retomber dans les difficultés de la transition des tranches d’âge, il ne nous paraît pas souhaitable d’accentuer ce découpage dont nous avons souligné précédemment les écueils.

Les professionnels intervenant dans ces structures :

Ce sont des professionnels de la santé mentale des enfants : psychologues, psychomotriciens, infirmiers, éducateurs de jeunes enfants, travailleurs sociaux, cadre de santé. Tous devront avoir une expérience concrète pour avoir travaillé dans des services de pédopsychiatrie. Ils pourraient, comme cela a été dit précédemment, exercer conjointement à temps partiel en CMP.

Leurs missions :  

– Accueillir enfant et famille dans un délai de 48h maximum, avec une permanence d’accueil sans rendez-vous dans la journée soit sur demande directe des parents (les demandes directes des enfants restent de l’ordre de l’exception), soit sur demandes des professionnels de niveau 1, résultant du travail en réseau ;

– Réaliser une évaluation de la situation individuelle et familiale, si nécessaire de façon multidimensionnelle grâce à un staff pluridisciplinaire (en coordination avec le niveau 3) capable d’accompagner dans un parcours d’urgence de soin, d’orienter vers un bilan spécialisé si nécessaire et d’évaluer une situation relevant de la protection de l’enfance. Interventions brèves quand l’évaluation conduit à évoquer des difficultés transitoires (moins de 3 mois) ;

– Réaliser l’aménagement d’un « parcours de soin » concerté avec la famille en orientant celle-ci et en l’aidant dans une « navigation » institutionnelle éclairée, agissant comme un « fil rouge » aux côtés de la famille et de l’enfant dans ce parcours.

– Soutenir la famille dans l’investissement de la démarche de soin.

– Etablir des relations régulières avec les professionnels de niveau 1 et de niveau 3 afin d’assurer la fluidité et la cohérence de la prise en charge

– enfin assurer la formation et le soutien des professionnels de niveau 1

Leurs compétences :

  • Organiser un staff régulier avec les professionnels de niveau 1 et 3,

  • Organiser la formation spécifique effectuée par les professionnels de niveau 3

  • Disposer d’une supervision régulière par un pédopsychiatre pour l’évaluation des pratiques cliniques,

  • Animer le réseau.

Niveau 3 : Les CMP et les CMPP

Les CMP ne seraient plus la porte d’entrée principale des demandes de consultations mais les acteurs de niveau 1 et de niveau 2 pourraient déjà orienter les patients en fonction de l’évaluation des troubles présentés. Cette nouvelle organisation aurait un double avantage : permettre une orientation plus ciblée vers les structures les plus adaptées à la demande d’une part, ce qui désengorgerait les CMP et d’autre part une mobilisation de tous les acteurs autour d’une situation plutôt que l’adressage au CMP qui dans bien des cas constitue un soulagement pour nombre de professionnels, mais s’avère le plus souvent non réalisable du fait de la longue liste d’attente.

Leurs missions :

  • Réaliser le soutien du niveau 2 grâce à l’animation des staffs pluridisciplinaires du niveau, à la supervision clinique des professionnels du niveau 2 par un pédopsychiatre, à la co-construction des outils de dépistage et formation pour les niveaux 1 et 2, à l’accès facilité au parcours d’urgence ou de diagnostic. En effet le niveau 3 doit demeurer disponible pour les situations d’urgence, ce qui nécessite de disposer des moyens adéquats.

  • Ils doivent pouvoir établir des diagnostics spécialisés (ex : diagnostic précoce d’autisme ou de troubles des apprentissages)

  • Ils doivent élaborer et coordonner des projets thérapeutiques (prises en charges combinées)

  • Ils doivent prescrire et conduire des soins spécialisés

  • Ils doivent réaliser la prise en charge des cas sévères et complexes (comorbidités)

  • Ils doivent promouvoir l’expérimentation de nouvelles organisations

  • Enfin, ils sont adossés aux centres référents pour cas complexes (niveau 4)

Les personnels

Dans l’idéal, ce CMP fonctionnerait avec les mêmes professionnels que ceux qui y travaillent actuellement, c’est-à-dire : pédopsychiatres, psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, infirmiers, éducateurs spécialisés. Il serait souhaitable que des enseignants spécialisés de l’éducation nationale y travaillent pour réaliser des bilans et les aménagements pédagogiques pour les enfants présentant des roubles des apprentissages. Ces personnels travaillent déjà dans les CMPP.

On pourrait également souhaiter des temps partiels d’ergothérapeutes pour les enfants présentant des troubles dys. Actuellement l’octroi d’ordinateur par la MDPH se fait légitimement sur la base d’un bilan ergothérapique qui n’est pas remboursé. Il est dans tous les cas souhaitables que l’octroi de cette compensation se double d’un apprentissage de l’outil ce qui nécessite des séances d’ergothérapie, elles aussi non remboursées par les caisses d’assurance maladie. Il serait souhaitable en termes d’équité d’accès à ces compensations qu’il existe ce type d’aide dans le public.

Le travail en équipe pluridisciplinaire fait toute la richesse de la pédopsychiatrie et constitue le socle de son fonctionnement. L’absence de plus en plus fréquente des orthophonistes oblige à recourir à des libéraux qui ne peuvent pas assister à toutes les synthèses faites pour l’enfant du fait de leur mode d’exercice et cela nuit à la cohésion des regards sur son évolution. Pour l’heure, cette situation ne concerne que les orthophonistes car elles peuvent, sans risque financier, exercer en libéral leur actes étant remboursés. Il faut cependant être attentif à ce qu’il pourrait advenir des autres professions tels que les psychologues ou psychomotriciens si leurs actes étaient un jour remboursés.

La refonte des CMP et de la psychiatrie publique en général passe par une attention toute particulière à la rémunération des agents et à l’évolution de leur plan de carrière.

Les soins

L’hétérogénéité actuelle des CMP devrait être limitée en harmonisant le plus possible les soins.

Afin de mieux répondre aux situations très diverses qu’ils reçoivent, aux attentes des familles et réduire les listes d’attente pour la mise en place des soins, un CMP devrait disposer de différents types d’approche. Car une fois la première consultation effectuée, il y a souvent un long délai d’attente pour qu’un suivi régulier se mette en place. Cette orientation initiale vers tel ou tel type de soin devrait être décidée dès les premières consultations d’évaluation.

Le développement de nouvelles techniques de soins doit être au maximum prise en compte dans ces nouveaux CMP. Il n’est plus envisageable désormais de ne disposer que d’une seule approche thérapeutique. Il pourrait ainsi y avoir plusieurs types de réponses susceptibles d’être apportées par les CMP en fonction des besoins des patients. Des thérapies individuelles ou de groupe, des thérapies brèves ou plus longues, cognitivo-comportementalistes ou d’orientation psychodynamique selon les besoins,

Si les soins en individuels demeurent indispensables, les groupes thérapeutiques doivent être développés, avec ou sans médiation et sans présumer des approches théoriques.

Les approches thérapeutiques familiales ont toute leur place dans les CMP et CMPP, qu’il s’agisse de groupe de parents ou de thérapies réglées qu’elle qu’en soit la référence théorique.

Enfin pour être totalement exhaustif dans cette nouvelle organisation proposée, nous dirons un mot du niveau 4 qui rassemblerait les centres référents recevant des cas complexes.

Niveau 4 : Les centres référents pour cas complexes

Professionnels concernés :

Universitaires, centres référents ou centres ressources régionaux ou nationaux

Leurs missions : Réaliser des diagnostics complexes des maladies rares et pathologies intriquées ; développer et diffuser des prises en charges spécifiques et innovantes ; mais aussi pouvoir conseiller le niveau 3 en réalisant des formations.

Conclusion

Le CMP doit conserver ses missions de soins ambulatoires en santé mentale, mais il doit évoluer du fait de l’évolution des demandes qui lui sont faites au plan sociétal ainsi que des pathologies qui elles aussi ont évolué. L’hétérogénéité territoriale constitue également un frein à la réalisation des missions de base. L’organisation en parcours de soin et en niveau d’intervention peut être une solution intéressante, mais la pédopsychiatrie publique doit continuer à rester le pivot de cette organisation. Dans notre proposition, les soins relevant de la pédopsychiatrie sont désormais situés au niveau 3, mais il est indispensable qu’elle régule les deux précédents niveaux. La question de la médecine scolaire constitue un enjeu important tout comme la disparition des orthophonistes des équipes pluridisciplinaires de pédopsychiatrie du fait d’une trop faible rémunération en comparaison avec un exercice libéral. Par ailleurs l’accroissement du nombre d’années d’étude pour l’obtention de leur diplôme (bac +5) génère de légitimes revendications. Or, la force des équipes de pédopsychiatrie, que ce soit en hospitalisation complète, de jour ou en ambulatoire tient dans la pluridisciplinarité sur un même lieu. Le volet financier de cette réorganisation constitue un élément central de la transformation.

Nous souhaitons terminer ce texte en insistant sur le fait que porter un diagnostic des troubles du spectre autistique, tout comme celui des troubles spécifiques des apprentissages ou d’un déficit attentionnel, implique toujours de faire un diagnostic différentiel. Celui-ci relève du champ de la pédopsychiatrie. Notre discipline est capable de repérer précocement ces difficultés et de participer à l’élaboration du diagnostic, y compris différentiel, ainsi que du parcours de soin.

Pour la SFPEADA

Daniel Marcelli, Président de la SFPEADA

Nicole Catheline, Présidente du conseil scientifique de la SFPEADA

Références

  1. Evaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015, Haut conseil de la santé  publique, 2016, 228P.

  2. Union départementale des associations familiales du nord (UDAF du nord), Observatoire des familles (2017). Parents d’enfants de 6 à 12 ans
  3. Kessler RC, Berglund , Demler O, et al. Lifetime prevalence and age-of-onset distributions of DSM-IV disorders in the National Comorbidity Survey Replication. Arch Gen Psychiatry. 2005 Jun;62(6):593-602.
  4. Inserm. Santé de l’enfant. Propositions pour un meilleur suivi. Expertise opérationnelle. Paris: Institut national de la santé et de la recherche médicale; 2009a.
  5. Kovess-Masfety V, Husky MM, Keyes K, Hamilton A, Pez O, Bitfoi A, et al. Comparing the prevalence of mental health problems in children 6-11 across Europe. Social psychiatry and psychiatric epidemiology. 2016;51(8):1093-103.
  6. UNICEF. Rapport annuel 2014, UNICEF ed.Juin 2015
  7. Fombonne E. The Chartres Study : prevalence of psychiatric disorders among French Shool- aged Children. Br. J. Psychiatry 1994 , 164 : 69-79.
  8. Shojaei T., Kovess-Masfety V. La santé mentale des enfants scolarisés dans les écoles primaires de la région Provence-Alpes -Côte d’Azur. Fondation MGEN. Université Paris V. 2005.
  9. Shojaei T, Wazana , Pitrou , et al. Self-reported peer victimization and child mental health: results of a cross-sectional survey among French primary school children. J Dev Behav Pediatr. 2009 Aug;30(4):300-9
  10. Kovess V, Choppin S, Gao F, et al. Psychotropic Medication Use in French Children and Adolescents. Journal of child and adolescent psychopharmacology. 2015.

mon compte
compte
devenir membre
adhérer
devenir membre
cotiser