Les psychologues en pédopsychiatrie
Posted on novembre 19th, 2018
Les psychologues sont présents dans les équipes d’inter-secteurs de pédopsychiatrie depuis leur création. Les circulaires du 7 Août 1963, puis celle du 15 Avril 1966 reconnaissent l’exercice des psychologues « … dans le secteur public et semi-public et notamment les dispensaires d’hygiène mentale, les hôpitaux psychiatriques, … ». Recrutés au départ pour effectuer des bilans psychologiques auprès des enfants et des adolescents, ce sont essentiellement des psychologues cliniciens qui interviennent dans les équipes de pédopsychiatrie. Au fil du temps, leurs missions se sont considérablement élargies.
En France, la psychologie clinique s’est développée sous l’impulsion de Daniel Lagache et Juliette Favez-Boutonnier. Son enseignement s’est mis en place d’abord à la Sorbonne, puis au Centre Censier dans les années 1960. Actuellement les études de psychologie s’effectuent dans des UFR de sciences humaines, le cursus comprend 5 années d’études, comportant un minimum de 500 heures de stage professionnalisant durant les 2 années Master. Il débouche sur l’obtention d’un Master 2 de psychologie. La psychologie clinique et la psychopathologie constituent une des spécialités de ce Master, celle qui a le contingent le plus important d’étudiants. Intervenant largement dans le champ de la santé et possédant un numéro ADELI, le métier de psychologue est cependant indépendant du cadre des professions paramédicales, les organisations et syndicats professionnels défendant avec force, l’autonomie des psychologues.
Leurs activités dans les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile se répartissent en cinq domaines : le bilan psychologique, la consultation-évaluation et référence du parcours de soin, le soin psychique, le travail institutionnel, la Formation, Information, Recherche.
Le bilan psychologique permet d’appréhender le fonctionnement intellectuel et psycho-affectif d’un enfant ou d’un adolescent dans sa globalité. Parmi les tests d’intelligence on citera l’un des plus utilisés, le WISC : Wechsler Intelligence scale for Children, (la version francophone de la 5e révision du WISC date de 2016) et le KABC-II (2008) qui permet l’évaluation du fonctionnement intellectuel des enfants malentendants, ayant des difficultés plus ou moins sévères du langage ou non francophones, ainsi que des enfants et adolescents présentant un trouble du spectre de l’autisme. Parmi les tests de personnalité, deux tests projectifs sont principalement utilisés, pour les plus jeunes, à partir de 5 ans le Patte Noire de Corman (1961) ou le CAT de Bellak et Bellak (1961) ; à partir de l’âge de 8 ans on utilise le plus souvent le test de Rorschach (1921) et le TAT (Thematic Aperception Test) de Murray et Bellak (1959). Certains complètent ce bilan par la Figure complexe de Rey ou des épreuves construites à partir des théories piagétiennes du développement psychologique de l’enfant, tels que l’échelle de développement de la pensée logique (EPL, 1969) ou le test d’opérations formelles de Longeot (TOF, 1974) ou encore l’UDN 2 (1999).
Dans beaucoup d’équipes de pédopsychiatrie, les psychologues cliniciens, principalement en CMP, assurent des consultations-évaluations à visées thérapeutiques et une place de consultant référent du parcours de soin.
Ces consultations comportent des temps d’examen clinique de l’enfant, des moments d’échanges avec les parents en présence ou non de l’enfant, ce cadre ayant souvent un effet thérapeutique ou à tout le moins d’apaisement. Il peut s’enrichir de l’apport des autres professionnels de l’équipe pluridisciplinaire, pédopsychiatres, orthophonistes, psychomotriciens, infirmiers et éducateurs sous la forme de bilans ou d’observations. De même dans cette position le psychologue clinicien rencontre tous les professionnels pouvant apporter un éclairage sur les difficultés que présente l’enfant ou l’adolescent.
Les psychologues sont également largement impliqués dans les soins psychiques apportés tant aux bébés, qu’aux enfants et aux adolescents. Beaucoup de psychologues cliniciens sont formés aux psychothérapies psychanalytiques individuelles, certains utilisent aussi des approches groupales, de même que le psychodrame. D’autres pratiquent des thérapies familiales, cognitivo-comportementales ou psycho-corporelles et beaucoup co-animent des groupes thérapeutiques à médiations (contes, dessins, théâtre, musique…) avec un autre membre de l’équipe pluridisciplinaire.
Pendant très longtemps, présents dans toutes les structures de l’inter-secteur, CMP, CATTP, unités d’hospitalisation de jour ou à plein temps, Maisons des Adolescents, consultations spécialisées, pédopsychiatrie de liaison, ou centres de références, aujourd’hui ils peuvent malheureusement être aujourd’hui absents de certaines d’entre elles.
Les psychologues ont aussi un rôle institutionnel, ils disposent d’outils conceptuels issus de la clinique des groupes et des institutions, ainsi que des courants de la psychothérapie institutionnelle. Enrichis des approches psychanalytiques et systémiques, ils permettent de penser et d’analyser les mouvements psychiques qui sont en jeu dans les institutions de soins. Ils aident aussi les professionnels à mieux repérer les processus transférentiels et contre-transférentiels qui se développent avec leurs jeunes patients et leurs familles. Ils assurent à cet effet des supervisions, des régulations d’équipe ou encore analyses des pratiques, auprès des soignants et animent des groupes de réflexion clinique et institutionnel.
Très souvent, après 3 ans ou plus d’exercice professionnel, les psychologues accueillent, encadrement et supervisent les étudiants de Master 1 et de Master 2 de psychologie clinique et de psychopathologie au cours de leur stage en pédopsychiatrie. Ils sont sollicités par de nombreuses équipes d’enseignants universitaires pour participer aux jurys de soutenance des rapports de stage et mémoires professionnels des étudiants de Master 2.
Les psychologues exerçant sur un secteur de pédopsychiatrie disposent d’un temps de Formation, Informations, Recherche (FIR) qui leur permettent de consolider et d’actualiser leurs connaissances (séminaires, conférences, Diplômes Universitaires). Ils contribuent par là à enrichir les outils conceptuels et les références théorico-cliniques des équipes pluridisciplinaires. De même un grand nombre d’entre eux mènent un travail continu de réflexions sur leur pratique et leur implication (supervisions individuelles ou de groupe, psychanalyse personnelle).
L’engagement des psychologues dans des recherches relevant du champ de la clinique et la psychopathologie du bébé, de l’enfant et de l’adolescent reste encore insuffisante, bien que nombre d’entre eux soient titulaires d’un Master recherche ou d’une thèse d’université.
Aujourd’hui des psychologues spécialisés en neuropsychologie ou en psychologie du développement sont aussi recrutés, principalement en CMP ou dans les Centres Référents pour effectuer des bilans spécifiques. Ces recrutements nouveaux correspondent à l’évolution que connaît la pédopsychiatrie, dans les abords diagnostiques et thérapeutiques des troubles dits « neuro-développementaux » de l’enfant, tels que ceux du spectre de l’autisme ou ceux spécifiques des apprentissages. Cependant la compréhension du fonctionnement mental de l’enfant et de ses aléas, gagne à être appréhendée sous l’angle des processus complexes qu’il met en jeu, elle ne peut se réduire à la prise en compte d’un seul modèle épistémologique quel qu’il soit. Traversant actuellement avec les autres professionnels, une crise sans précédent en pédopsychiatrie, les psychologues cliniciens contribuent pleinement au fonctionnement des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Ils s’imposent comme acteurs incontournables des mutations à venir dans l’organisation des dispositifs de diagnostic et de soins de demain. Les psychologues représentent cette exigence d’interdisciplinarité et de réflexions critiques, essentielle au maintien d’une pédopsychiatrie riche de ses spécificités et de ses singularités, parmi les autres disciplines médicales.
Jean-Michel Coq